Escapade artistique [Pv Satoko <3] -terminé-

Caleb sourit et regarda dans le vide. 

- Je comprends. C'est vraiment incomparable.

 Lui avait un lien privilégié avec ses soeurs. Il ne savait pas s'il pourrait un jour aimer autant quelqu'un, il n'avait jusque là jamais réussi. Il gardait une relation très exclusive. Lorsqu'elle lui demanda où ils allaient, il ne sut pas quoi répondre. 

- Baaah ... Choisis toi ~

Sunny le regarda. Non, il ne pouvait pas comprendre, lui, il était entouré. Il savait que peut importe ce qui se passerait, ses deux soeurs seraient toujours là pour lui. Elle, elle n'avait pas d'attache, aucune personne qui ne vaille vraiment la peine. Noah avait beau être quelqu'un d'important pour elle, elle savait très bien qu'au premier problème, elle lui dirait clairement de se débrouiller. Donc non, il ne pouvait pas comprendre. Elle secoua la tête histoire de se remettre les idées en place puis se mit à marcher sans tenir Caleb. A vrai dire, elle préférait souffrir et se débrouiller par elle même, surtout à l'instant présent. Elle inspira profondément pour se donner du courage puis regarda autour d'elle. Elle aperçut un petit chemin de terre sèche et elle se dit qu'elle aimerait bien savoir où il menait. Elle le pointa du doigt et demanda : 

" Tu sais ou ça mène, ce chemin ? " 

Caleb affichait un parfait sourire en coin de façade. Il avait remarqué ce léger changement d'attitude, et il se doutait de ce qu'elle pensait de lui. Qu'il avait toujours eu ses soeurs, un foyer et la sécurité ? Non, il ne les avait retrouvé que très récemment et ne comptait plus sur elles pour l'aider depuis une dizaine d'années. Pas qu'elles n'auraient pas voulu, il savait qu'elles auraient surement tout fait pour lui ; mais il avait appris, il avait été seul. Il les avait cru morte pendant la moitié de sa vie, et n'avait vécu qu'avec des souvenirs d'elles. Il n'était pas entouré, puisque même avec un milliard de personnes, Caleb était toujours aussi seul. Il était toujours seul, au fond de lui, le coeur dur et triste. Il ne s'était pas encore habitué à cette vie trop facile ; il était resté le prédateur avide, il n'avait pas quitté son armure si fiable formée au prix de tellement d'échecs et de tellement de tristesse. Si elle croyait qu'elle l'avait compris et que c'était facile pour lui, elle avait tout faux. 

- Je ne sais jamais où mène un chemin ~ 

Il ne prononça que mentalement la suite de sa phrase : "mais je peux m'en sortir, il y a toujours des pigeons au bout d'un chemin". Son sourire en coin n'était plus une façade, cette pensée le faisait réellement sourire.

Sunny reconnu son sourire totalement faux, elle les reconnaissait à force de les avoir pratiqués de nombreuses fois devant son miroir. Quand elle souriait vraiment, elle avait l'air d'une chipie incorrigible et sa  personne toute entière semblait se moquer gentiment de son interlocuteur. Elle se dit qu'après tout, il devait avoir ses raisons, Elle jeta un regard derrière elle, le regardant un instant de ses yeux glacés, dénués de tout gaieté, et haussa les épaules. Elle ne savait pas si un jour ils pourraient s'entendre, ils étaient vraiment différents....ou ils se ressemblaient trop... enfin, quoi qu'il en soit, ils étaient tous les deux assez difficiles de caractères. Sunny soupira, lassée, et poussa quelques mèches brunes qui lui tombaient sur le front d'un revers de la main. Comme elle s'était un peu avancée, il ne put pas voir la petite grimace de douleur qui déforma un instant son visage aux traits parfaits. Sur un ton curieux elle demanda :

" On va voir ? " 

Elle n'attendit pas vraiment sa réponse et avança doucement vers le sentier.

Caleb pouffa de rire, discrètement. Un rire sans joie, mais il était encore capable de s'amuser de l'ironie de sa situation. Il y a quelques instants, elle avait l'air si gentille avec lui, si attachante ... Elle aurait presque pu passer sa carapace. Mais finalement, il étaient pareils. La jeune fille s'était aperçue que tout chez lui n'était qu'illusion, et lui même s'était aperçu que Sunny n'avait qu'une façade, trop changeante pour être crédible. Il espérait que la sienne donnait mieux le change, ou il devrait s'améliorer. Il repassa en revue tous ses actes. Il s'était montré poli, amical, presque sociable, galant. Aucun changement radical de comportement. Tout allait bien, il pouvait continuer sur cette voie. Il lança donc gaiement à la jeune femme un "j'arrive" avant de la rejoindre. Il prit ensuite son bras et le fit passer autour de ses épaules, pour que la jeune fille puisse s'appuyer, au moins un peu, sur lui. 

- ça ne te dérange pas si on fait comme ça ? En plus, ça donnera l'impression que je marche bras dessus bras dessous avec une superbe jeune femme, c'est bon pour mon image. 

Il se demanda immédiatement pourquoi il avait dit ça. Il ne savait pas si c'était ça qu'il pensait vraiment, ou s'il n'était plus qu'une illusion, même pour lui. Son esprit n'était rien de plus qu'un casse tête géant qu'il avait créé pour se protéger et qu'il n'arrivait plus à défaire. Il avait perdu la solution et ne savait plus quoi faire. Un instant, tout se mit à tourner et ses jambes lâchèrent, comme brisées. Il tomba à la renverse sans aucune résistance, espérant que la jeune fille ne s'appuyait pas sur lui à ce moment précis. Quand il ouvrit les yeux, au sol, il affichait un grand sourire, et il n'était pas simple de savoir s'il était vrai ou faux. Il se frotta la tête avant de déclarer, amusé : 

- Wah, quelle chûte ! 

Une de ses mèches grises était teintée de sang. Il en avait un peu sur la main. Rien de grave, sûrement un caillou.

Sunny entendit Caleb pouffer mais en releva pas. Dans le fond, elle aimait vraiment le calme, se disputer avec les autres avait tendance à la frustrer. Mais quand on la cherchait, on la trouvait toujours, parce qu'avec un sale caractère comme le sien, essayer de lui marcher dessus ou de la soumettre à quelconque défi revenait à se faire sérieusement envoyer paitre, quitte à perdre tout contrôle. C'est peut être parce qu'elle n'était pas une fille mignonne, câline, qui tombe amoureuse au premier regard, qu'elle ne parvenait pas à avoir ni amis, ni petit ami sérieux et sincère. Elle se dit qu'elle se fichait pas mal de tout cela, que l'amour attendrait, qu'elle n'avait que 17 ans, qu'elle était encore jeune. Perdue dans ses pensées, elle ne réagit pas vraiment quand Caleb prit son bras, mais ses paroles la ramenèrent sur Terre. Elle haussa un sourcil parfaitement épilé, un sourire étonné sur les lèvres. Elle choisit de ne pas soulever les paroles que venaient de dire Caleb, de toute façon, elle n'en aurait pas eu le temps car elle le sentit tomber à la renverse. Comme elle ne prenait pas vraiment appui sur lui, elle ne tomba. Elle s'agenouilla près de lui et sortit un mouchoir en papier avec lequel et essuya la petite égratignure sur le front du jeune homme. Sur un ton amusé, elle demanda :

" Bah alors, qu'est ce que tu nous a fait ? "

Une fois qu'elle eut enlevé le peu de sang qu'il y avait, elle le regarda un long moment en souriant. Elle finit par secouer vivement la tête, étonnée de le regarder de cette façon. Elle s'éclaircit la gorge, et, se surprenant elle même, vint déposer un baiser sur la joue de Caleb. Elle n'avait pas pour habitude de montrer quelconque signe d'affection, même envers ses petits copains. A vrai dire, le fait qu'elle paraisse glaciale n'était pas juste une apparence, son cœur tout entier et toute son âme étaient complètement gelés. Cela faisait longtemps qu'elle ne ressentait ni tendresse, ni amour, ni tout autre sentiment agréable.

Caleb releva la tête vers elle, la remerciant d'un sourire pour le mouchoir. Avec une voix qui laissait révéler qu'il était dans ses pensées, il répondit à la question par une autre question : 

- Dis, ça t'es déjà arrivé d'être tellement compliqué que tu te comprends pas toi même ? 

ça lui arrivait de plus en plus souvent. Et ça lui donnait le vertige, parfois il s'évanouissait totalement, et il restait dans les vappes pendant des heures, à se ressourcer, à essayer de comprendre, sans pouvoir ouvrir les yeux. Là, ça n'avait duré qu'une seconde, ça allait. Il se releva lentement, concentré, assurant ses appuis. Il la regarda dans les yeux et sourit : 

- C'est bon, on peut y aller, excuse moi.

Sunny se releva à son tour, glissant le mouchoir dans la poche arrière de son short. Elle comprenait parfaitement le sens de sa question, elle aussi par moment, ne savait plus vraiment qui elle était ni ou elle en était. Elle hocha la tête de haut en bas puis réfléchit un peu mieux sur ce qu'elle allait lui répondre. Certes, elle avait déjà eut de terribles maux de tête à force de réfléchir à qui elle était réellement, au milieu de ses divers personnages, mais jamais elle n'était tombée dans les vapes à cause de ça. Elle eut un petit sourire et répondit :

" Oui, ça m'est déjà arrivé, très souvent. Mais jamais au point d'avoir des absences. Si tu veux mon avis, un peu de repos te ferait le plus grand bien. "

Ensuite, comme il n'avait jamais l'air de vouloir se confier ou même d'avoir envie de parler de lui, elle haussa les épaules et se remit à marcher après avoir épousseté ses vêtements. Il devait trouver ses petit malaises normaux, elle, non. Elle espérait qu'il prenne en compte ses conseils, et c'est, le regard dans le vague qu'elle arpenta le sentier.

Il sourit, touché par les conseils de Sunny. Il marcha à côté d'elle, un peu dans ses pensées. Il n'arrivait plus à trouver un rythme, avec tous ces gens qui l'entouraient. Avant, il écumait les casinos la nuit, et il dormait à l'hôtel le jour, mais maintenant, il devait aussi assurer le jour. Combiné avec son esprit compliqué, cela donnait un épuisement total. 

- Je sais ... Il faudrait que je trouve l'occasion. C'est gentil de t'inquiéter. 

Il était sincère, ce qui n'arrivait pas si souvent. Il laissa Sunny passer devant lui pour la regarder sans qu'elle le voie, en restant en retrait. Il examina également sa démarche, afin de savoir si elle avait toujours mal.

Sunny se demanda si elle s'inquiétait pour Caleb. A priori, elle aurait du que non, mais sa réaction démontrait le contraire. Elle se tourna vers le jeune homme qui marchait un peu en retrait. Elle lui sourit et l'attendit. Elle trouvait ce garçon très beau, trop pour être quelqu'un d'innocent, avec un passé complètement normal. 

" Tu n'as pas l'occasion de te reposer ? "

Elle inclina la tête sur le côté. En fait, elle était prise de tournis, elle devait probablement être un peu faible. Elle essaya de ne rien laisser transparaître, mais cette fois, ses jambes cédèrent sous son poids plume. Elle rit, un rire sincère :

" Après toi, c'est moi ! " 

Il voulut répondre à la question, même s'il s'inquiétait pour elle. 

- Non, je suis dans les casinos la nuit, et j'ai des choses à faire le jour. 

Il n'avait pas eu peur de lui dire la vérité. Après tout, c'était ce qu'il faisait, tant pis si ce n'était pas glorieux. Il aimait jouer, et il gagnait toujours. Il passa le bras de la jeune fille autour de ses propres épaules et la regarda dans les yeux. 

- Est ce que tu veux que je te porte encore ? Tu ne pèses rien tu sais, ça me dérange pas. 

Il lui sourit affectueusement. Il l'aimait bien, en fait. Elle était un peu bizarre, mais il l'aimait bien, peut être parce qu'ils se ressemblaient.

Sunny encaissa l'information sans rien ajouter. Elle ne critiquait jamais le mode de vie des autres, car elle savait que le sien était loin detre parfait et qu'il était rythmé par des nuits d'amour et de l'alcool à flot. Elle lui sourit et se regard glacé sembla se réchauffer le temps d'un sourire. Elle le laissa arranger son bras autour de ses épaules. Elle lui caressa l'epaule et detourna gentiment son invitation :

"Non, je peux marcher, mais merci de te proposer, tu es vraiment adorable."

Elle se remit à marcher et sa main se cramponnait au jeune homme, elle souffrait un peu, mais se plaindre ne faisait pas partie de ses habitudes. Fière comme elle l'était, elle ne pouvait pas montrer la douleur qui irradiait son mollet.

Il lui sourit également. Ils devaient se ressembler beaucoup, pour qu'elle aie l'air de le comprendre autant. D'ordinaire, les réactions n'étaient pas celles là ; on le prenait pour un escroc, ou un bandit. Il était juste escroc ; pas un petit, ni un débutant, mais pas non plus un criminel. Il faisait juste de l'illusion, il trichait, et il gagnait. Il aimait sa vie. 

- Tu es sure que tu peux marcher ? J'ai l'impression que tu as mal ... 

Il était aussi plus observateur que la moyenne. Sa démarche n'était pas fluide comme elle l'avait été. Il avait peur que ça s'infecte, ou que ce soit plus grave que ce qu'il avait cru. Il se disait qu'il voudrait mieux tout de même l'emmener à l'hôpital.

Sunny fut surprise qu'il lui rende son sourire. Malgré qu'il soit plutôt gentil et poli, elle ne s'attendait pas à un sourire. Et puis, sa question prouvait qu'il s'inquiétait pour elle, mais il n'y avait pas vraiment de quoi. Certes, la coupure était un peu profonde, mais comme elle s'y connaissait, elle savait que les points de suture n'étaient pas utiles. De plus, si elle avait toujours mal en rentrant, Noah lui ferait un petit tour de magie et la douleur passerait. Elle se redressa et regarda Caleb droit dans les yeux : 

" Un peu, mais rien de grave. Donc oui, je peux marcher, j'ai connu pire. " 

En effet, elle avait vraiment connu pire, pas forcément des douleurs physiques, mais plutôt des douleurs morales. Celles ci l'avaient anéantie. Alors, une coupure sur le mollet n'était vraiment rien. Elle continua à marcher, sa démarche s'améliorait au fur et à mesure qu'elle marchait car elle s'habituait à la petite douleur qui survenait quand elle posait son pied sur la terre sèche.

- C'est pas parce que tu as connu pire que je peux pas te porter ~ 

Il avait un sourire en coin. Lui, il aimait bien l'avoir dans ses bras, de toute façon, alors ça ne le dérangeait pas. Il la suivit et observa avec attention sa démarche, qui s'améliorait au fur et à mesure. Elle devait s'habituer. Elle semblait être le genre de fille qui encaisse sans broncher, forte de son expérience. Oui, elle devait être très intéressante. Difficile à aborder mais intéressante.

Sunny lâcha un rire bref, mais sincère au moins. Elle n'avait pas pour habitude qu'on soit aux petits soins pour elle, elle avait plutôt l'habitude de tout faire toute seule.. Elle sentit le regard de Caleb dans son dos, elle se tourna, surprenant le jeune homme dans son observation, et eut un sourire plutôt très amusé de la situation. Sur un ton léger, elle le taquina : 

"Caleb, je sais que tu me regardes, arrêtes de t'en faire, je suis pas mourante. " 

Elle revint sur ses pas et se planta devant lui en lui souriant. A première vue, il semblait avoir envie de la porter. Ayant soudainement envie de lui faire plaisir, elle entoura ses bras autour du cou du jeune homme et le câlina avec douceur. C'était assez rare qu'elle câline quelqu'un,

Caleb était surpris de la réaction de la jeune femme. De son sourire sincère, presque affectueux. Tout ça était bizarre, mais incroyablement beau. Il lui sourit, encore plus surpris quand elle s'accrocha à son cou. Peut être qu'elle lui faisait un peu confiance, ou qu'elle l'appréciait un peu. Il entoura la taille de la jeune femme et la serra un peu contre lui, lui chuchotant à l'oreille : 

- Je m'en fiche que tu sois pas mourante. J'aime pas voir que les gens que j'aime bien ont mal. 

Puis il la souleva et la reprit dans ses bras, comme une princesse. Il aimait bien l'avoir contre lui, en fait, elle était mignonne.

Sunny le laissa la serrer un peu contre lui. Les personnes qui l'enlaçaient sans arrière pensées se faisaient de plus en plus rares. Alors qu'elle se laissait vaguement aller à cette étreinte, elle se sentit soulevée du sol. Caleb n'en avait rien à faire de ce qu'il disait ! Elle étouffa un rire et tâcha de prendre un air offensé : 

" Mais tu es vraiment têtu, c'est pas possible ! " 

Elle passa un bras autour de ses épaules et le regarda dans les yeux et rit  : 

" Tu te fais du soucis pour rien, je suis pas handicapée, on va pas m'amputer ! " 

Il la regarda avec un sourire en coin, et il lui murmura à l'oreille : 

- Je suis encore plus têtu que tu le penses ~ 

Il l'embrassa sur le front, après quoi il se remit à marcher pour voir où menait le sentier, mais ils s'éloignaient de plus en plus de la ville. Pas que ça le dérangeait, mais il n'était pas sur de savoir retrouver son chemin. Il ne se faisait pas d'illusion sur le sujet, il était vraiment nul en orientation. 

- En plus, j'aime bien te porter, tu es jolie comme une princesse. 

Il lui souriait encore. Il était plutôt sincère, il ne se rappelait pas avoir menti à la jeune fille, ni avoir exagéré. Vraiment, il l'aimait bien, et ses sourires n'étaient pour la plupart pas faux.

Sunny sourit en entendant Caleb lui murmurer à l'oreille. Quand il l'embrassa sur le front, elle fut un peu étonnée, elle n'avait pas l'habitude qu'on l'embrasse de cette manière, c'était tellement mignon. Elle lui caressa la joue quelques secondes avant de se concentrer sur le paysage afin de pouvoir se retrouver quand ils voudraient rentrer. Elle répondit :

"Qu'est ce que ca veut dire ça ? ~"

Suite à la seconde phrase de Caleb, Sunny manqua de rougir. Elle était loin d'être aussi belle qu'une princesse, bien qu'elle était très jolie. Doucement, elle déclara :

"Vraiment, tu dis vraiment n'importe quoi."

Caleb ne releva pas ce qu'elle disait. Il détestait la fausse modestie, et il avait appris assez récemment qu'un compliment devait être accepté. Il essayait aussi de s'appliquer cette règle à lui même, même si c'était difficile pour lui de croire ce qu'on lui disait. Il mentait tout le temps, il n'y avait pas de raisons que les autres n'en fassent pas autant ; il pouvait déceler les mensonges, mais il avait peur qu'un jour quelqu'un puisse lui mentir à sa guise, et qu'il se fasse alors manipuler. 

- On va par où, miss ? On continue sur le sentier ?

Sunny regardait autour d'elle, repérant les lieux. Elle avait une mémoire impressionnante et un très bon sens de l'orientation. Dans le fond, elle aimait bien explorer des endroits étranges, ça l'amusait beaucoup. Curieuse par nature, ce genre d'excursions étaient pour elle une véritable partie de plaisir. Elle jubilait d'autant plus car elle n'était jamais passée par là. Au bout d'un moment, le sentier se séparait en deux chemins : l'un assez propre et dégagé, le second parsemé de branchages et dont les feuilles tombantes des arbres empêchaient de voir à plus de deux mètres. La jeune femme sauta des bras de Caleb, ignorant la douleur tant elle était attirée par le petit chemin sombre et sinueux. Elle se tourna vers le jeune homme et, avec un grand sourire impatient, demanda : 

" On va par là ? " 

Elle avait à peine prêté attention au petit surnom qu'il lui avait donné. Cet homme était assez perturbant pour la jeune femme. Elle avait du mal à garder son aplomb habituel, même si, elle le savait, ce n'était peut être pas le vrai Caleb qu'elle avait en face d'elle.

Caleb regarda le sentier, amusé : c'était comme ça qu'il l'imaginait, réellement. Curieuse, une petite pile électrique toute mignonne. 

- Allez, partons à l'aventure ! 

Il fourra ses mains dans ses poches et s'avança sur le sentier. Le chemin était plein de ronces, mais ça ne le dérangeait pas. Il était très sensible des mains et c'est pour ça que dès qu'il ne faisait rien, il les laissait dans les poches. Il avait déjà remarqué que les autres gens avaient moins d'équilibre comme ça, mais lui c'était le contraire. Un éternel main dans les poches, le genre nonchalant et plutôt adroit. Il enjambait les ronces, les branchages et tout le reste, s'enfonçant dans la nuit sans s'en apercevoir. Quand il se retourna, il ne voyait plus Sunny. Un air mi-contrarié mi-inquiet passa sur son visage un instant. Il ne continua pas, attendant la jeune fille qui aurait du ne pas tarder.

Sunny afficha un grand sourire enjoué et le laissa partir devant. Elle aimait bien prendre son temps, en plus, elle était un peu handicapée à cause de sa petite blessure. Cependant, ça ne lui faisait nullement peur, elle aimait l'aventure. C'était d'ailleurs étrange qu'une fille qui prêtait autant d'attention à son look et à son physique le délaisse totalement une fois en campagne, en forêt et à l'abri des regards. C'était surement ça qui la poussait à faire attention à elle : les regards des autres. Elle commença à s'engouffrer dans le chemin qui se faisait de plus en plus sombre. Elle enjambait les ronces et les branchages avec une souplesse et une grâce déconcertantes. Rapidement, elle retrouva Caleb, et, malgré qu'ils soient dans l'obscurité, elle lui sourit : 

" Te fais pas de soucis, je suis derrière toi. " 

Caleb observa la jeune fille un long moment dés qu'il le put, et ne s'éloigna pas trop d'elle dés lors. Etrangement, il adorait l'avoir sous les yeux. Elle ne manquait pas de charme, et il avait l'impression d'être privilégié, presque, l'impression qu'elle ne se montrait pas sous son vrai jour avec tout le monde. 

- Tant mieux, sinon j'étais perdu à jamais ! J'ai trop besoin de toi ! 

Il avait un sourire taquin. Vraiment, ces moments étaient agréables. A part la petite baisse de régime qui avait entraîné sa chute, il trouvait ça plus simple avec elle. Il ne se prenait pas trop la tête, contrairement à d'habitude.

Sunny sentit, plus qu'elle ne vit, le regard de Caleb posé sur elle. Il l'observait souvent, elle trouvait ça étrange, mais très flatteur. Cette pensée lui arracha un sourire. Tandis qu'elle parcourait les deux petits pas qui les séparaient, elle entendit sa petite phrase ce qui lui provoqua un éclat de rire. Vraiment, il était trop mignon. Sur un ton légèrement moqueur dans lequel sonnait l'amusement de la jeune femme, elle déclara :

" C'est vrai que tu as un sens de l'observation quasi nul.. Il vaut donc mieux que tu restes près de moi, sinon, je pense que tu auras du mal à rentrer chez toi. C'est pourquoi j'ai décrété que je te passais devant, pour notre bien à tous les deux. " 

Arrivée jusqu'à lui, elle posa sa main sur son épaule pour s'assurer qu'elle n'allait pas lui foncer dedans puis lui passa devant en lui souriant largement. Puis, elle reprit son petit bonhomme de chemin, passant par dessus les ronces, en dessous des branchages, entre les fourrés, et le tout sans avoir une égratignure.

Caleb ne lâcha pas la jeune fille du regard un seul instant. de toute façon, c'était sa façon d'être : quand quelque chose ou quelqu'un l'intéressait, il le regardait en continu. Avec un sourire en coin, il la suivit, sans aucun mal, toujours les mains dans les poches. Il s'écorcha la joue à un moment, mais rien de grave, il n'y avait que quelques gouttes de sang qui perlaient au niveau de la coupure. Avec un sourire en coin, il déclara : 

- C'est ce qui est bien quand tu as pas de chez toi. C'est beaucoup moins grave si tu sais pas rentrer. 

Il avait toujours fonctionné ainsi. Avoir un foyer était très récent, avant il était plutôt nomade. Quand il se perdait, il retrouvait un aéroport, et il changeait de pays, rien ne pressait.

Sunny finit par trouver la sortie du sentier qui, en vérité, menait à une colline immense, pleine de couleurs, de fleurs et de sérénité. Elle lâcha un petit "Ohhh" admiratif avant de se tourner vers Caleb, en vue de lui répondre. Elle remarqua qu'il s'était écorché la joue et, reprenant le mouchoir qu'elle avait fourré un peu plus tôt dans sa poche, elle lui essuya les quelques gouttes de sang avec douceur. Sur un ton faussement réprobateur, elle lâcha : 

" Si tu continues de tomber ou de t'égratigner, je n'aurais bientôt plus de mouchoirs." 

Ensuite, elle se glissa aux côtés du jeune homme et tout en admirant le paysage. Sur un ton assez neutre, elle déclara : 

" Oui. Peut être. Mais moi j'aurais aimé avoir un port d'attache et un vrai foyer, tu sais." 

Caleb regarda longuement la colline, admiratif. Il adorait les couleurs et les fleurs comme celles là. Il voulait se remettre à regarder Sunny, mais en entendant ce qu'elle disait, il n'avait plus envie. Sur un ton aussi neutre que celui de son amie, il déclara : 

- Chaque situation a ses avantages et ses inconvénients. 

Lui même aurait parfois aimé aussi. Mais ce n'était pas le foyer qui lui manquait, mais plutôt sa famille, enfin ses soeurs, qu'il avait cru mortes. Cependant, même si parler du passé ne le dérangeait pas tellement, il détestait regretter quoi que ce soit. Il n'utilisait jamais l'expression "j'aurais aimé", par exemple.

Sunny haussa les épaules. Elle se planqua de nouveau derrière son masque glacial et le considéra un instant avant de dire : 

" Sûrement. " 

Après quoi elle grimpa la colline, elle était fâchée, même si elle ne savait pas trop pourquoi. Elle n'eut aucune difficulté à grimper au sommet de la colline et fut même enchantée de se retrouver parmi les fleurs colorées qui lui arrivaient jusqu'au genoux. Elle s'assit en tailleur au milieu du champ, si bien qu'on voyait juste une crinière ébène qui dépassait les fleurs. Elle jouait avec les pétales d'une fleur en repensant à son passé : abandonnée par ses parents à l'âge de huit ans, enfance rythmée par des vols à l'étalage pour se nourrir, et des nuits entières passées dans le froid avant qu'un jour, Gaëlle lui tombe dessus et lui change la vie. Elle soupira.

Caleb la regarda s'éloigner en fronçant les sourcils. Juste quand il la trouvait réellement charmante, intéressante et gentille, elle se comportait exactement comme il détestait. C'était à se demander si elle n'en faisait pas exprès. Plus que tout, il détestait les gens qui se lamentaient sur leur passé. Il n'avait pas eu une enfance dorée, mais il était content de ce qu'il était devenu. Il avait réussi à être fier de lui, finalement. Même si on l'avait persuadé toute sa vie qu'il était un monstre dans la nature, qu'il ne valait rien, il avait eu de bon moments et il s'en sortait. Il ne pensait qu'au présent. Il s'assit dans les fleurs, à la base de la colline, après avoir laissé échapper un grand soupir.

Sunny n'avait pas l'intention de bouger. Ca pouvait passer pour de la fierté mal placée, elle s'en fichait. Elle avait fait des efforts pour lui, avait mit une grosse partie de son orgueil de côté et avait laissé tomber le masque pour se relever aux yeux de ce garçon qui la croyait indestructible. Non, elle ne se lamentait pas, elle ne se lamentait jamais, d'ailleurs. Elle encaissait les coups durs, souffrait en silence, et lorsqu'elle avait le malheur de donner son opinion, ça n'allait pas ! Elle était un âtre humain, pas une machine. Elle avait des émotions, des envies, et même si elle les planquait derrière un masque de petite peste égocentrique, ils étaient là, tapis dans l'ombre. Elle ne regarda pas où il était. Elle savait qu'il n'était pas reparti parce qu'elle sentait encore sa présence. Peu lui importait. Elle se laissa tomber parmi les fleurs, devenant complètement invisible.

Caleb se releva, mettant son agacement de côté. Il se rappelait exactement où il l'avait vue assise, aussi n'eut il pas de mal à la trouver. Une fois qu'il la vit, il s'assit à côté d'elle puis s'allongea, les bras derrière la tête, regardant les nuages. 

- Qu'est ce que tu as ? Désolé, mais je suis bon pour écouter, réconforter à la limite, mais pas pour compatir. 

Il avait ses propres problèmes. Alors, on pouvait lui parler, bien sur, mais il avait du mal à avoir de la peine pour les autres. Il réconfortait bien par contre. De toute façon, il s'attendait à se faire jeter par la jeune fille, alors voilà. Il était revenu vers elle, en mettant de côté ses principes, parce qu'il avait passé un bon moment avec elle.

Sunny regarda Caleb s'installer près d'elle. Elle se décala un peu, n'ayant pas envie qu'on la colle. Elle détourna rapidement le regard et fixa elle aussi les nuages. La jeune femme était consciente que Caleb faisait des efforts, mais elle aussi en avait fait, et personne ne lui avait donné de médaille, elle déclara calmement :


" Ecoute, je n'ai pas besoin d'une oreille attentive, ni même de réconfort, et encore moins de ta pitié. "

Elle avait elle aussi aimé le petit moment qu'ils avaient partagé, mais voilà. C'était difficile de faire en sorte que Sunny soit plus coulante, elle était très susceptible, même si elle pardonnait bien vite. Il suffirait que Caleb se montre agréable avec elle, au lieu de venir juste par principe.

Caleb soupira bruyamment. Tout ça commençait à l'agacer fortement. Peu de choses pouvaient l'atteindre à ce point, habituellement il ne sortait jamais de son calme qui en devenait fatiguant pour les autres. Il rétorqua, sur un ton sec : 

- Ecoute, je ne sais pas pourquoi tu fais la gueule. J'ai seulement dit qu'il y avait toujours du bon et du mal ; si je n'ai pas le droit d'avoir mon avis sans que tu te vexe, vaut mieux le dire tout de suite. Parce que j'ai passé un bon moment, et je t'aime bien, alors je trouve ça con.

Le vrai Caleb ressemblait peut être plus à ça. Certains auraient dit "sale caractère", d'autres l'auraient qualifié de "sang chaud", il préférait l'explication de ses soeurs : il était juste passionné.

Le ton sec de Caleb fit sursauter la jeune femme. Elle plissa les lèvres, fronça les sourcils, visiblement mécontente. Elle tourna la tête vers le jeune homme et parut soudainement plus triste que fachée. Elle avait toujours détésté se faire engueuler. Au bout d'un moment, elle lui tourna le dos et gromela :

"Arrête de me parler comme ça.."

Au fond, c'était encore une enfant, et elle n'avait pas envie que Caleb l'engueule.